Aujourd’hui je laisse la place à Coraline, une amie qui habite en Colombie depuis plusieurs années, pour partager avec nous quelques conseils et être un(e) touriste responsable en Colombie.
Elle nous livre aussi son expérience du pays, dénonce les mauvaises pratiques de certains visiteurs/agents touristiques et nous donne des idées pour pouvoir minimiser notre impact au moment de visiter la Colombie.
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Bonne lecture !
Etre un touriste responsable en Colombie, c’est quoi ?
Depuis la signature de l’accord de paix avec la guérilla des FARC en 2016, le tourisme en Colombie a connu un essor incroyable. Le pays dont on entendait parler seulement pour mentionner la violence, l’enlèvement d’Ingrid Bétancourt et Pablo Escobar et le cartel de Medellin véhicule une autre image à l’étranger et est aujourd’hui LA destination touristique – prisée non seulement par les backpackers mais par des profils divers, tous intrigués par ce pays offrant farniente sur des plages idylliques, aventures dans la forêt tropicale, salsa à Cali, randonnées dans les montagnes andines.
Dans le même temps, les touristes français commencent eux-mêmes à changer. Le tourisme-consommateur, on en veut plus. On fuit les masses et les hôtels où on ne rencontre que des étrangers – ou pire, que des français. On refuse le concept des Tours Eiffel en porte-clé et des t-shirts « I love (Introduce city)… », on est passé à l’artisanat. On recherche de l’authentique, et on veut connaître l’habitant. En quelque sorte on rêve tous d’être Antoine de Maximy de « j’irai dormir chez vous ».
Bien. Avant d’arriver en Colombie en tant que touriste responsable, une petite réflexion sur d’où on vient.
Moi, privilégié(e) ?
En tant que français(e) de classe moyenne, je peux aller en Colombie parce que :
- Mon passeport me permet de voyager dans 185 pays sans visa (185, vous avez bien lu !), et il est classé comme le « 4e passeport le plus puissant » selon le Henley Passport Index de 2019. Il me donne donc le pouvoir de voyager sans même me rendre compte de l’existence de frontières. La Colombie fait partie de ces 188 pays qui me sont facilement accessibles.
- J’ai assez d’argent pour me payer un billet A/R de minimum 500 euros, le séjour sur place pendant quelques semaines…
- Si je travaille, j’ai 5 semaines de congés payés ! (Pour vous donner une idée, en Colombie, ils en ont deux).
- Grâce au rayonnement de la culture française à niveau mondial depuis des décennies, les colombiens ont souvent des a priori positifs sur les français… ce qui améliore l’accueil qu’ils nous font. A noter, le français est toujours la langue apprise par l’élite colombienne. D’ailleurs si je décide de m’installer en Colombie, on ne m’appellera jamais « immigré(e) » mais « expatrié(e) », qui n’a aucune connotation négative.
Pour conclure l’aparté, si je viens en Colombie, c’est que j’ai certains privilèges, et je vais pouvoir profiter d’un pouvoir d’achat plus important que celui que j’ai chez moi. Il me semble important de pouvoir le reconnaître pour arriver dans un nouveau pays avec humilité, et reconnaître que nos actions vont avoir un impact là où on passe.
L’humilité, mon nouvel ami
Nous les français (c’est une généralité, évidemment) nous avons un taaaantinet tendance à penser que tout est mieux chez nous. On y peut rien, on nous a éduqué comme ça – sans nous en rendre compte, on cherche tout le temps l’excellence : la qualité d’un service, de la nourriture à laquelle on a accès… C’est pour cela qu’on est bien connu pour être de sacrés râleurs (« c’est pas parfaiiit ! ») – (variante : « le fromage est meilleur chez nous ! »).
Et quand on est à l’étranger, forcément on compare tout. On juge, quelque part. « Les colombiens sont jamais à l’heure ! ». « Il ya toujours du bruit partout ! ». Mais finalement, pour des colombiens, on pourrait être vus comme trop stressés par les horaires, trop silencieux, trop ennuyeux peut-être ?
Venir dans un pays avec humilité, c’est accepter que les choses vont être différentes, et qu’elles ne sont pas plus mal que chez nous, elles sont seulement différentes. Il y a des choses plus difficiles à accepter, et bien sûr on a tous ses propres limites. En fait, c’est comme quand un voisin vous invite chez lui à dîner : vous apportez une bouteille de vin, vous vous essuyez les pieds avant de rentrer, et vous vous adaptez à sa manière de cuisiner sans broncher… bien sûr, si les dîners qu’il organise sont nudistes peut-être vous abstiendrez-vous à accepter l’invitation !
Mon impact dans le monde
Une fois qu’on vient avec humilité on peut aussi penser à l’impact que notre passage va avoir. J’ai toujours eu un intérêt pour la politique. Pas la politique des partis, pas la politique de mon pays, mais dans son sens plus large du terme, la politique comme « la pratique du pouvoir ». Reconnaître que chacun a un certain pouvoir, et déterminer comment on s’en sert. Comment je vis, comment je voyage, a des impacts dans le monde. Pour moi un touriste responsable, c’est un touriste qui pense un minimum à l’impact qu’il peut avoir en tant que touriste.
Il y a quelques semaines je voyageais au Mexique, à San Cristobal de las Casas au Chiapas, et en arrivant on m’a donné un petit livret d’accueil qui présentait la ville, et qui donnait des recommandations « politiques ». Par exemple, le livret expliquait que la présence d’une usine Coca-cola dans la région avait presque tari les nappes phréatiques, aussi il nous recommandait de faire attention à l’eau qu’on utilisait… et à boycotter Coca-cola ! Evidemment chacun est libre d’appliquer les recommandations comme il le souhaite, et finalement ce qui est difficile c’est de se rendre compte de cet impact. On pourrait penser à quelques conseils généraux :
Conseils pour être un(e) touriste responsable en Colombie
- Acheter à des petits producteurs locaux plutôt que d’acheter des choses au supermarché,
- Acheter l’artisanat à des vendeurs de rue plutôt que dans des grandes boutiques,
- Ne pas marchander des prix trop bas quand on peut se permettre de dépenser cet argent et que cela signifie que la personne est très mal payée pour le service qu’elle vous rend,
- Se loger chez des petits propriétaires plutôt que dans des grandes chaines d’hôtel,
(etc. Doniphane, si t’as d’autres idées, je suis preneuse !)
- Eviter d’être abusif au moment de proposer des tarifs pour les courses en taxi sur des applications telles que InDriver,
- Comprendre qu’en Colombie la « propina voluntaria » (le pourboire volontaire) fait partie de la culture commerciale locale et qu’elle représente un partie considérable du salaire du serveur. 10% est le minimum à laisser sur la table au moment de régler l’addition,
- Suivre l’exemple des colombiens et remporter vos restes si vous ne terminez pas votre repas (on vous donnera une petite boite « para llevar« ). Vous pourrez ensuite en faire cadeau à quelqu’un dans la rue ou même à votre réceptionniste/portier (les colombiens ne disent jamais non quand il s’agit de grignoter un bout),
- Garder ses déchets avec soi et éventuellement en ramasser quelques-uns sur les parcours de randonnée arpentés pendant le voyage,
- Faire ses achats dans des lieux en marge des grands centres touristiques pour faire fonctionner le commerce local,
- Laisser quelques pièces/billets et un mot gentil (ou même un paquet de cookies) dans votre chambre au moment de votre départ, cela fera plaisir à votre femme de chambre et elle aura une meilleure opinion des visiteurs étrangers grâce à vous,
Ce sont des actions simples, à la porté de tous, et qui laissent une empreinte positive et durable après votre passage en Colombie.
(Coraline, je te laisse continuer !)
Faut-il boycotter des destinations colombiennes ?
La dernière fois que j’ai visité Carthagène des Indes j’ai été frappée à quel point le centre ville est lisse – tout est beau, tout est coloré, tout est fait pour le touriste. Je discutais avec un monsieur qui travaillait dans le centre-ville, il m’a partagé qu’il avait grandi à Getsemani (un quartier du centre-ville) mais que tous les habitants avaient dû se déplacer peu à peu car avec le tourisme les prix des loyers avaient triplé…
Alors que faire en tant que touriste ? Boycotter les villes comme Carthagène ? Voir s’il est possible de se loger un peu en dehors du centre-ville ? Chacun voit… Un autre jour, j’étais sur l’île de Mucura, toujours dans les Caraïbes. J’ai discuté avec un vieux géologue qui vivait sur l’île depuis des dizaines d’années. Il m’a raconté l’histoire de l’île aux prises du narcotrafic, et il s’est révélé que les propriétaires de 3 des 4 hôtels/auberges de jeunesse de l’île étaient liés au narcotrafic. La prochaine fois je sais où je ne réserverai pas une chambre…
L’authentique
Arrivons-en à ce concept étrange. Qu’est-ce l’authentique ? Je discutais avec des françaises qui revenaient de Barichara, ce petit village blanc perdu dans les montagnes de Santander – elles étaient tellement contentes, Barichara « c’est tellement authentique » ! Barichara, pour ceux qui ne connaissent pas, est un petit village tout mignon rempli d’ateliers de fabrication de papier, de poterie… C’est adorable, mais qu’est ce qui le rend plus authentique qu’un quartier sud de Bogotá ?
Parce que l’authentique, c’est quand même fait pour les touristes – si tu peux manger dans ce resto adorable à 8h du soir, c’est bien parce que c’est un village qui s’est adapté au touriste. Le fait qu’il n’y ait pas de vendeurs de rue est sûrement lié à cette image qu’on veut vendre aux touristes. Qu’est ce qu’on recherche finalement ? Connaître des savoir-faire traditionnels ? Ça peut être chouette de se dire que notre intérêt permette de conserver certains savoir-faire et de les rémunérer à leur juste valeur. Mais notre intérêt peut aussi avoir des impacts négatifs, par exemple pour les vendeurs de rue. Au final, le tourisme peut modifier en profondeur une culture et une manière de vivre et c’est important d’en avoir conscience.
« Connaître l’habitant »
Ces dernières années se sont développées de nombreuses initiatives d’écotourisme, qui ont pour but de préserver l’environnement, de réintégrer les ex-combattants des FARC à la vie civile, de faire connaître les coutumes locales…
C’est chouette de voir qu’il y a d’autres manières de faire du tourisme, et qu’il y a un véritable intérêt de connaître l’autre. Mais je crois qu’il y a encore un travail à faire pour « déconstruire l’exotisme ». Par exemple une des agences de voyage d’écotourisme françaises qu’on trouve en ligne vend un « Rencontre avec les Indiens à la culture ancestrale et découverte de leur artisanat ». Personnellement, juste la manière de le présenter me gène – sérieux, on est au XXIe siècle, et tu appelles encore les gens « Indiens » et tu vas voir leur « culture ancestrale » ? Ça fait pas un peu voyeur tout ça ? Une autre agence propose une « Introduction à la culture indigène actuelle et visite à l’improviste (c’est à dire qu’il n’y a même pas d’accord préalable avec les locaux, c’est l’agence qui le mentionne) dans des malocas, appréciation de la culture traditionnelle, de l’architecture, de la nourriture, des rituels ».
Une fois j’étais dans le Parc Tayrona, et je discutais avec une personne d’origine kogi (autochtone) qui vendait des jus de coco sur le bord du chemin. Des dizaines de touristes passaient sans un bonjour, et filmaient et prenaient en photo la personne avec laquelle je parlais. Ses vêtements sont propres aux Kogis et on peut voir facilement qu’il est d’origine autochtone. Je lui ai demandé si ça lui arrivait souvent, il a soupiré en disant que la majorité des gens faisaient cela, le traitaient comme un simple objet de photographie. En discutant avec une amie française, elle m’a dit : « mais je vois pas le problème, si eux venaient en France ça me dérangerait pas qu’ils me prennent en photo ».
Tourisme responsable en Colombie et exotisme
C’est là où on a besoin d’un peu de perspective historique, parce qu’on ne peut pas comparer ce qui n’est pas comparable. Tu te rappelles qu’on parlait de privilèges ? Moi quand je vois ça, ça me fait penser aux Autochtones et aux Africains mis en cage dans des zoos en Europe et aux Etats-Unis, pratique populaire jusque dans les années 1930 et que tout le monde allait voir parce qu’ils étaient « exotiques ». Quelque part, on garde un peu cette mentalité, et on la reproduit quand on va en voyage. On trouve les Autochtones fascinants, différents, objets de photographie. Si vous êtes du centre d’une ville de banlieue parisienne par exemple, iriez-vous dans des cités en périphérie, ou à la campagne, à prendre les gens en photo et vous inviter chez eux pour connaître leurs traditions ?
Je crois que c’est pareil à l’étranger : c’est super de s’intéresser à l’autre, tant que ça se fait dans le respect, d’égal à égal, en pensant aux conséquences de sa visite et demandant son accord pour prendre une photo de quelqu’un par exemple. Et si tu vas dans une communauté un peu isolée, toujours penser à l’impact que tu peux avoir en fumant/donnant une clope à quelqu’un, te balader en vêtements courts si c’est pas courant là-bas, etc. A partir de là, on peut vraiment avoir de belles expériences de partages et d’apprentissages en Colombie, qui est un pays d’une diversité étonnante. Encore faut-il parfois être prêt à prendre des routes de terre (trochas) ou voyager par fleuve pendant des heures… mais c’est aussi ça l’aventure !
Coraline Ricard
Merci encore à Coraline pour son témoignage et ses précieux conseils pour être un(e) touriste responsable en Colombie. N’hésite pas à commenter cette publication si tu veux apporter ta pierre à l’édifice et partager avec nous tes recommandation pour être un voyageur respectueux de l’environnement et des populations locales.
¡Hasta pronto!
Informations à consulter avant de partir pour la Colombie
RECOMMANDATIONS GENERALES | |
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Avant de partir | Informations complémentaires |
A ton arrivée en Colombie tu devras présenter une preuve de sortie du territoire valable dans les 90 jours suivant ton entrée. Tu peux montrer un billet d'avion retour ou un ticket de bus. Si tu penses rester plus longtemps sur le sol colombien, je te conseille de regarder les options proposées par One Way Fly. | Si tu veux rester plus de 3 mois je te conseille de faire appel à One Way Fly. Connaitre les risques liés à la non présentation d'une preuve de sortie du territoire lors de ton passage devant la migration colombienne. Découvrir comment rester en Colombie 180 jours sans faire de demande de visa. |
Si tu n'as pas d'assurance internationale ou que tu penses vivre de folles aventures en Colombie, je te conseille de regarder les options que propose Chapka. De manière générale je recommande les assurances proposées par Chapka. La plupart des voyageurs et étudiants qui ont souscrit un contrat de protection auprès d'eux semblent satisfaits. | Voyage de - de 90 jours : Cap Assistance 24/24. Voyage de plus de 90 jours : Cap Aventure. AVI (assurance Routard) propose une couverture pour les voyages de moins de 8 semaines et une autre offre pour les tours du monde. ACS propose 2 options : une assurance voyage et une assurance annulation. Avant de partir il peut aussi être judicieux de se renseigner sur le système de santé colombien. |
Plusieurs vaccins sont vivement recommandés si tu pars en Colombie. La liste présentée dans la colonne de droite me semble être un minimum pour tout voyageur désireux de découvrir l'Amérique Latine. On pourrait aussi y ajouter l'hépatite B. La prise de médicaments préventifs contre le paludisme (malaria) n'est à envisager que si tu comptes te rendre dans des zones à risque. | Fièvre jaune Hépatite A Fièvre typhoïde Rage Tétanos |