Aujourd’hui j’ai envie d’aborder un sujet qui me passionne mais tourmente aussi mon quotidien : l’attrition langagière.
Mais Colombianito… c’est quoi l’attrition langagière ? (Père Castor raconte nous une histoire !)
Attrition langagière : éventuels dysfonctionnements chez l’immigré bilingue tardif qui ne pratique plus sa langue maternelle.
Un mot qui en jette et qui te permettra d’excuser le fait que lorsque tu parles en français… ça ne ressemble plus à grand chose car l’espagnol, le costeñol, le quechua ou tout autre patois est venu mettre le « desorden » dans ton vocabulaire et tes conjugaisons. Tu ne parles plus vraiment la langue de Molière… ou éventuellement une version « con guayabo » (avec la gueule de bois).
On parle aussi d’interférences linguistiques : le locuteur est ici amené à mélanger les langues qu’il maîtrise. Une langue pouvant en influencer une autre et vice-versa.
Voici une vidéo de la chaîne Les Langues de Cha’ si tu veux en savoir un peu plus avant de lire mes « aventuras linguisticas« . C’est grâce à elle que j’ai pu découvrir les termes définis un peu plus haut. Je ne pouvais donc pas ne pas la mentionner dans mon article !
Petite situation qui pourrait t’arriver après seulement quelques semaines passées à l’étranger :
« Un verre de vin y une tarte aux pommes s’il vous plait ».
C’est la base et ça peut éventuellement passer inaperçu si tu es chanceux… (mon cas).
Là où ça devient compliqué c’est quand tu commences à utiliser une grandes quantité du vocabulaire de ta seconde langue sans trop t’en rendre compte, transposer des expressions ou des dictons qui n’ont plus aucun sens un fois traduits… ou pire inventer tes propres combinaisons !!
J’ai personnellement un fort penchant pour l’hybridation des conjugaisons française et espagnole. Le concept est plutôt simple : tu choisis la racine d’un verbe en espagnol et lui accoles une terminaison bien française. Ça fonctionne aussi plutôt pas mal avec les participes passé et présent.
« Aujourd’hui j’ai cociné des crêpes »
Comprendre : « aujourd’hui j’ai cuisiné des crêpes ».
J’ai aussi pu croiser quelques personnes qui ponctuaient leurs discours de verbes espagnols portant la marque de l’infinitif français.
« Demain je dois aller cobrer mon client ».
Comprendre : « demain je dois aller facturer mon client ».
Il s’agit ici d’un emprunt. Cela arrive principalement avec les mots que nous utilisons régulièrement ou qu’il nous est compliqué de traduire.
C’est à la fois drôle et handicapant. Drôle car chaque expatrié invente ses propres variantes et certaines sont sacrément tirées par les cheveux. Handicapant car tes congénères français peuvent vite te prendre pour un demeuré si tu ne fais pas l’effort de tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de l’ouvrir. Si tes proches peuvent comprendre que tu as passé du temps loin de chez toi et s’amuser de tes fourvoiements… la caissière de Carrefour Market et le réceptionniste de l’hôtel Ibis eux te prendront juste pour un « retrasado mental » ou au mieux un mec qui se la raconte un peu trop.
« Pardonnez-moi pour mon retard, j’ai pris la périph’ avec ma voiture et AJÁ »
Comprendre : « Pardonnez-moi pour mon retard, j’ai pris la périph’ avec ma voiture et comme vous le savez sur l’A5 et la N6 entre Créteil et Montgeron c’est bouché tous les jours… en plus avec la neige qui tombe depuis ce matin, c’est vraiment un vrai calvaire ! ».
Pour comprendre le « AJÁ » : 7 expressions caribéennes à connaitre.
Lorsque l’occasion de donner une conférence se présente… j’admets avoir plus d’appréhension si la « charla » doit être dispensée dans ma langue maternelle plutôt que celle de mon pays d’adoption. Les colombiens étant d’une part plus compréhensifs vis à vis de mes erreurs dans une langue qui n’est pas la mienne et aussi certainement moins c..s (critiques, condescendants, cancaniers…) que mes compatriotes français !
Il est en effet un peu compliqué de faire comprendre à certains « franchutes » qui n’ont pas vécu hors de nos frontières que tu n’arrives pas à terminer d’exprimer ton idée car les mots ne viennent tout simplement pas… ou que ta phrase n’a aucun sens car tu as une fois de plus tout mélangé dans ta tête multilingue…
Ce qui est amusant c’est que les voyageurs et les expats de longue durée se comprennent entre eux. Ils ne se coupent d’ailleurs quasiment jamais la parole pour se corriger car ils savent parfaitement interpréter ces dérives linguistiques et sont souvent conscients de leurs propres déboires avec la langue française.
Même si cela peu être « vergonsozo » de temps à autres, surtout lors d’une présentation en publique, je suis plutôt content d’avoir aussi bien intégré la langue espagnole et les « dichos » colombiens. C’est comme l’obtention d’une double culture bien méritée après avoir souffert pendant de longs mois pour comprendre les « taxistas » et autres commentateurs footballistiques.
Pour info, tu n’es pas bilingue tant que tu ne captes pas parfaitement le gars qui fait les commentaires sportifs sur Caracol pendant le mondial, « ¡no señor! ».
Si toi aussi tu as des anecdotes linguistiques, partage les dans l’espace commentaires (juste en dessous de cet article) pour que l’on en rigole ensemble. C’est toujours un plaisir de lire les péripéties d’autres polyglottes !
Lire aussi : Les 7 expressions à connaitre avant de visiter les Caraïbes
Lire aussi : Tout le monde me dit OUI (tout le monde veut faire du business avec moi)
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¡Hasta Pronto!
Alors en vrac:
– Prof d’anglais qui rigole quand tu essayeS de parler en anglais après 4 mois au Pérou, puisque visiblement tous les mots de liaison des phrases sont en español (prof d’origine mexicaine en plus…)
– Entretien d’embauche 4 jours après d’être revenu de 2 ans en Colombie et qui te coupe au bout d’une minute en disant « arrêtez arrêtez tout de suite!!! je ne comprends rien à ce que vous me dites »… oups… « on va vous rappeler », oui oui.
Hola Stéphane !
Dur l’entretien d’embauche… et finalement tu as récupéré ton niveau de français d’origine avec le temps ?
Pour ma part, je trouve plaisant d’entendre mon fils (5 ans de Colombie) ou ma sœur (10 ans d’Espagne) parler ce que j’appelle le « FRANGNOL ».
Chez nous au Québec, on dit le FRAGNOL hihi !
Après un an en Colombie, lorsque je parle francais, il y a des mots que je traduit littéralement de l’espagnol. Par exemple je vais au gymnase au lieu d’aller a la salle de sport, n’importe quel établissement scolaire devient un college, les jours fériés deviennent des jours festifs… Ou alors il me vient des tournures de phrase pas naturelles (la j’ai pas d’exemple qui me vient a l’esprit). Ou encore des petits mots de transition, du genre « bueno », « vale », ou « cierto!’
Un autre phénomène, avec un ordinateur au clavier francais a la maison et un clavier espagnol au travail, la gymnastique est parfois un peu compliquée. Du coup j’arrête pas d’écrire avec des q au lieu des a.
Merci pour le témoignage Steph.
Moi au bar j’ordonne des boissons !
Il suffit de penser à Jean-Claude Van Damme pour avoir un exemple…
¡Hola Maxime!
C’est vrai !
Mais je me demande s’il n’en rajoute pas un peu quand même…
Pour ma part, je suis rentré de 4 mois en Equateur/Colombie hier et j’ai fais marrer ma mère quand j’arrivais pas à dire « n’importe » et que je bloquais sur « cualquier »…
C’est vrai que c’est génial de rencontrer d’autres voyageurs qui subissent les mêmes tourments et comme tu le dis, tu coupes pas la parole, tu comprends. Le directeur de l’asso dans laquelle j’ai bossé, un français, a vécu au Pérou/Equateur depuis 30 ans et c’est impressionnant comme celui-ci faire des erreurs de français, à répétition !
Il est d’ailleurs content de parler français, ça le change un peu.