Avant de prendre la décision de t’expatrier définitivement en Colombie, venir y étudier, y faire un stage ou même d’y créer une entreprise je te propose d’étudier 6 aspects de la société colombienne qui pourraient grandement te surprendre.

Voici donc une liste non exhaustive de choses à connaitre sur la société colombienne et ses membres :

6 choses à savoir sur la société colombienne

Pour mettre au point cet article j’ai décidé de baser mon raisonnement et d’étayer mon argumentation en m’appuyant sur les travaux du psychologue-anthropologue Geert Hofstede.

Son modèle d’étude permet d’évaluer le comportement d’un groupe d’individus selon 5 critères :

  • La distance hiérarchique (rapport au pouvoir)
  • Le contrôle de l’incertitude (prise de risque)
  • L’individualisme et le collectivisme
  • La dimension masculine/féminine
  • L’orientation court terme/long terme

Ce sont donc ces 5 thématiques qui nous aiguilleront pour mieux comprendre le comportement des colombiens et de leur société. On y ajoutera un sixième critère : l’indulgence. Il a été ajouté à posteriori par un collaborateur de Geert Hofstede : Michael Minkov.

Voici les scores obtenus par la Colombie dans chacune des catégories précédemment citées.

Un bref résumé de l’étude d’Hofstede sur la société colombienne est disponible en anglais : Hofstede Insights.

Plus d’informations sur les travaux de Geert Hofstede :

 

La société colombienne selon Hofstede

La société colombienne accepte ses inégalités

En Colombie les inégalités sociales sont presque considérées comme normales et le système de classes sociales (estratos) n’est que très peu remis en cause. Avec un score de 67/100 la Colombie est un pays où le contrôle du pouvoir, qu’il soit politique, entrepreneurial ou autre est naturellement laissé à une petite partie de l’élite de la population. Il est d’ailleurs très peu remis en question par les habitants du pays.

Il faut savoir que le gouvernement colombien utilise une stratification sociale numérotée de 1 à 6 pour différencier les quartiers résidentiels mais aussi les universités et autres groupes d’individus qui vivent sur son territoire. Il n’est pas anodin d’entendre parler d’université dont le public cible sont les jeunes d’estrato 3 ou qu’une marque trouve son public au sein des sphères les plus aisées d’estrato 6.

Il est d’ailleurs flagrant que la grande majorité des communes colombiennes sont organisées sur un modèle Nord-Sud. Pour en savoir plus sur ce thème :

Il n’est pas non plus anormal de mener des enquêtes dont le thème centrale est la couleur de peau d’une population, son appartenance ethnique ou encore son orientation sexuelle.

Voici par exemple un questionnaire à caractère obligatoire envoyé par le département des ressources humaines à tous les employés d’une prestigieuse université colombienne :

Il est ici demandé au sondé de préciser son genre et de choisir parmi une liste de 8 options (homme, femme, gay, lesbienne, bisexuel, transgenre, transsexuel ou intersexuel). L’enquête est ici nominative et obligatoire.

Il est aussi fait mention de la strate sociale de l’employé :

La même étude a été menée auprès de la population étudiante de l’université et d’autres critères tels que la « race » de l’étudiant ou encore la composition de son foyer étaient des informations indispensables à fournir pour valider le questionnaire.

Ecouter le podcast : les colombiens sont-ils racistes ?

Au delà de cet exemple tiré de mon quotidien et qui n’a rien d’extraordinaire en Colombie, la population est ici globalement encline à accepter le fait que le pouvoir de décision (politique notamment) soit exercé par une minorité. Cette dimension culturelle se reflète grandement dans les relations professionnelles entre colombiens. Le directeur d’une entreprise ou le manager d’une équipe ne prend que rarement la peine de consulter l’opinion de ses subordonnés.

La fracture sociale et salariale au sein même des entreprises est elle aussi très marquée et très peu remise en question. Il est normal pour un colombien de travailler en contrat à durée déterminée tout au long de sa vie et d’accepter un (éventuel) renouvellement de celui-ci chaque année. Si je devais qualifier les réunions professionnelles au sein des entreprises pour lesquelles j’ai pu travailler au cours de ces 7 dernières années je dirais qu’elles étaient pour la plupart « informatives ou directives » (le chef ordonne, les employés exécutent).

Lire aussi :

 

La société colombienne est collectiviste

Hofstede reconnait l’existence de deux types de sociétés : les sociétés individualistes et les sociétés collectivistes. Selon lui les membres d’une société individualiste favorisent d’abord leurs propres besoins et ceux de leur famille proche. Dans une société collectiviste les individus ont tendance à appartenir à une communauté et respecter les valeurs et conditions définies par le groupe pour en échange bénéficier de son soutien.

Avec un score de 13/100 la société colombienne peut clairement être qualifiée de collectiviste.

Au-delà du concept de strate sociale défini ci-dessus il est important de préciser que la société colombienne est divisée en groupes d’appartenance très soudés.

Les colombiens s’identifient facilement et sont pour la plupart loyaux à leur communauté qu’elle soit religieuse, éducative, professionnelle ou autre. L’opinion de ces groupes de référence est primordial au bien-être de l’individu. Il est important pour un colombien de bénéficier du soutien et de l’aval de ses pairs.

L’image sociale et le qu’en-dira-t-on sont des préoccupations importantes pour la plupart des colombiens. Le conflit et le prise de position contre le groupe sont évitées au maximum par peur de devenir un « outsider » et d’être rejeté par la communauté ou d’entacher sa réputation.

J’ai pu remarquer dans mon entourage personnel plusieurs comportements que je n’ai pour le moment jamais observés en France :

  • Groupe de conversation Whatsapp entre seniors et réunions d’anciens élèves très fréquentes au sein des strates sociales aisées.
  • Partage d’informations et de photos personnelles sans modération sur les réseaux sociaux.
  • Difficultés dans la prise de contact avec des membres extérieurs au groupe (j’ai d’ailleurs plusieurs fois remarqué dans des dîners ou des soirées que la conversation entre deux inconnus était parfois compliquée bien qu’ils aient des amis en commun, le simple fait de se saluer n’est pas forcément toujours naturel).

Ecouter le podcast : les colombiens aiment les photos

Le besoin de briller aux yeux des autres ou de ne pas faire de vagues peut certainement expliquer le développement de certains business qui n’existent pas forcément dans d’autres régions du monde tels que les motels qui permettent à deux amants de se retrouver dans la plus grande discrétion. Certains comportements étant largement condamnés par la morale populaire et les préceptes religieux en vigueur dans cette région du monde, quelques entrepreneurs audacieux y ont vu un marché de niche où proliférer.

Lire en espagnol :

De manière générale la réputation d’un individu est l’une de ses préoccupations les plus importante en Colombie. On pourrait certainement trouver une certaine corrélation avec l’utilisation massive de réseaux sociaux tel qu’Instagram dans cette partie du globe.

Selon Hofstede un score très faible dans cette thématique devrait aussi se traduire par une communication verbale et écrite protocolaire et une grande attention portée à la mise en forme du discours dans les relations sociales et professionnelles.

Cette supposition est facilement vérifiable en comparant des e-mails commerciaux colombiens et français ou en analysant les styles de CV utilisés dans ces deux pays. Les colombiens n’hésitent pas à abuser des formules de politesses et leurs style de rédaction pourrait sembler pompeux à un lecteur non initié. Les français de leur côté ont un style d’écriture bien plus direct qui pourrait être considéré comme froid et agressif de la part d’un lecteur colombien. La rédaction d’un CV de plus d’une page serait considérée loufoque en France tandis que les colombiens n’hésitent pas à préparer des dossiers de candidature d’une dizaine de pages.

Lire aussi : comment rédiger un CV colombien et travailler en Colombie (conseils et anecdotes)

Ecouter le podcast : business et communication en Colombie

Pour continuer dans cette comparaison entre la société colombienne (en bleu) et la société française (en violet) on remarquera que la population française s’oriente beaucoup plus vers l’individualisme. Il faut ici comprendre que l’intérêt porté à l’opinion des autres est bien moins important en France qu’en Colombie et que le style de communication est lui beaucoup plus direct. Exprimer son avis et affirmer ses idées n’est pas non plus quelque chose de mal vu.

 

La société colombienne est masculine

Selon Hofstede une société masculine est guidée par l’instinct de compétition et le besoin de s’affirmer comme étant le meilleur au sein de la société. Il faut être un gagnant. A l’inverse, une société dite féminine tend à valoriser la qualité de vie et le plaisir bien plus que le fait de sortir du lot. D’un côté l’idée d’être le meilleur (société masculine) et de l’autre celle d’aimer ce que l’ont fait (société féminine).

Avec un score de 64 la Colombie s’affirme comme une société dite masculine (à ne pas confondre avec la notion de machisme).

Il existe d’ailleurs ce que je me permettrais de qualifier de culte autour de certains thèmes tels que la cérémonie de remise de diplôme ou encore la célébration du quinzième anniversaire des jeunes filles colombiennes. Il n’est pas anormal de trouver un titre universitaire encadré au milieu du salon ou de dépenser une grande somme d’argent pour un costume ou une robe de balle de promotion.

On pourrait d’ailleurs éventuellement trouver ici une ressemblance avec la société nord-américaine (représentée en rouge) qui place ce genre de thématique au cœur de nombreux films et autres séries télévisées. Les deux pays ont d’ailleurs des scores très similaires (64 pour la Colombie et 62 pour les U.S.A.) dans cette rubrique de l’étude menée par Hofstede.

La Colombie est donc une nation dont les ressortissants sont par nature compétitifs. La réussite sociale est primordiale et sacrifier ses heures de loisir pour travailler et atteindre ses objectifs semble donc ici tout naturel. La plupart de mes collègues trouvent d’ailleurs normal de continuer à travailler pour leur employeur le week-end ou de recevoir des e-mails professionnels le dimanche après-midi (ou en tout cas ils ne s’en plaignent pas publiquement).

Bien sûr si l’on devait comparer le comportement colombien et le comportement français il serait facile de mettre en avant le fait que les français attachent beaucoup plus d’importance à leur accomplissement personnel au travers de leur activité professionnelle (cette opinion est d’ailleurs confirmée par le score de 43/100 qui fait de la France une société dite féminine).

Lire aussi : le bien-être au travail priorité n°1 des français (Le Monde Informatique)

 

La société colombienne est conservatrice

Dans son étude Hofstede fait allusion à la prise de risques et à la gestion de l’imprévu (Uncertainty Avoidance) qu’est plus ou moins capable de tolérer une culture. Il explique aussi qu’une société qui obtient une notation élevée pour ce critère recherche sa sécurité au travers de mécanismes et de règles pour éviter toute forme d’ambiguïté.

Avec un score de 80/100 dans cette catégorie la Colombie s’affirme comme un pays où les règles et le status quo se doivent d’être respectés. La religion et les traditions dont l’impact est très important dans la vie de tous les jours sont des marqueurs clés du conservatisme colombien.

Cet aspect de la société colombienne se traduirait aussi dans sa façon de concevoir le travail et de l’organiser. La planification à outrance et la mise en place de procédures parfois lourdes (paperasse) sont d’autres conséquences d’une société qui fuit la prise de risques.

Ecouter le podcast : la paperasse en Colombie

Selon Hofstede ce surplus de règles et démarches administratives peut cependant être court-circuité plus d’une fois et ce, si une figure d’autorité l’impose ou si le groupe décide de passer outre.

De mon point de vue c’est certainement l’une des choses les plus déroutantes en Colombie mais il m’aura fallu relire les travaux de Geert Hofstede pour m’en rendre compte. Les colombiens sont souvent très procéduriers dans le monde du travail, les documents à remplir, les formulaires à compléter et les démarches administratives sont souvent lourdes et chronophages.

Cependant, il arrive parfois que pour une raison ou une autre après plusieurs semaines de travail l’on décide de passer outre les procédures et de valider un projet sans s’embarrasser de la paperasse nécessaire. C’est plutôt paradoxale mais colle très bien avec les théories mentionnées plus haut.

 

La société colombienne est axée court terme

Le score de 13/100 dans cette catégorie définit la société colombienne et ses membres comme étant très peu enclins à épargner et prévoir l’avenir à long terme. Ce sont les résultats immédiats qui importent le plus.

Il est important de réussir et surtout de réussir vite !

La société colombienne peut aussi se caractériser par la propension de ses individus à contracter des crédits. Selon la presse spécialisée le colombien moyen doit environ  4,1 millions de pesos (données 2017). C’est l’équivalent de 1,225 euros ou d’un peu plus de 5 salaires minimums colombiens.

Lire aussi : comment obtenir un crédit en Colombie

Ecouter le podcast : emprunter de l’argent en Colombie

De manière générale on retiendra que ce sont les jeunes générations (X et Y) qui sont les plus endettées. On pourrait cependant mettre cette donnée en parallèle avec la pyramide des âges de la société colombienne qui est relativement élargie à sa base.

Source : PopulationPyramid.net

De mon côté j’ai pu observer les nombreux projets menés à bien par les universités colombiennes et autres associations pour tenter de former et d’accompagner les habitants du pays dans la gestion de leur budget.

L’université pour laquelle je travaille organise régulièrement des journées de formation pour enseigner aux retraités comment bien gérer leurs finances. Le thème du crédit est ici une problématique prédominante.

Ce qu’en dit la presse colombienne :

 

La société colombienne est indulgente

Une étude du groupe Gallup International positionne la Colombie comme étant le second pays le plus heureux au monde. RFI a d’ailleurs dédié une bref article à ce thème : la Colombie au top du bonheur.

Lire les resultas en espagnol :

Toujours en utilisant la théorie d’Hoftede et de Minkov (qui a ajouté le critère de l’indulgence à la liste originale de variables), la société colombienne est une société dite « indulgente ». Son score de 83/100 pour ce critère permet d’affirmer plusieurs choses :

  • Les colombiens ont une certaine tendance à l’optimisme
  • La société colombienne est positiviste
  • L’individu est incité à profiter de son existence et réaliser les projets qui lui tiennent à cœur
  • La population colombienne considère les activités de loisir comme primordiales
  • Les dépenses et le contrôle du budget sont relativement impulsifs
  • La prise de décision est souvent basée sur des considérations émotionnelles plutôt que rationnelles

Bien sûr tout comme pour les 5 critères précédents ces considérations sont d’ordre général et ne permettent pas d’affirmer que l’ensemble de la société colombienne agit de la sorte.

Si je devais m’exprimer sur ce dernier point je dirais qu’en 7 années d’expatriation je n’ai que très rarement entendu mes collègues se plaindre ou exprimer leur mécontentement. C’est même certainement l’une des raisons pour laquelle de nombreux étrangers viennent s’installer en Colombie : la bonne humeur ambiante.

En ce qui concerne la priorité donnée aux loisirs et la gestion des finances je suis plutôt d’accord avec les théoriciens qui ont mis au point cette étude. J’ajouterais que les colombiens sont aussi très centrés sur leur famille et que les relations entretenues avec les parents et les grands-parents sont capitales aux yeux de la société colombienne. Le dimanche est souvent une journée d’ordre strictement familiale.

On notera d’ailleurs un écart flagrant entre les sociétés colombienne et française sur ce point précis. Les français, qui avec un score de 48/100 seraient donc relativement pessimistes quant à leur avenir et par exemple moins enclins à réaliser des achats de manière impulsive.

Ce qu’en dit Le Point : pourquoi les français sont-ils pessimistes ?

Ce graphique te permettra de comparer les sociétés colombienne, française, suisse et états-unienne selon les critères définis par Hofstede et Minkov. N’hésite pas à donner ton opinion et partager ton expérience de la société colombienne en commentant cet article si le cœur t’en dit.

 

Quelques compléments sur la société colombienne

Les colombiens n’accordent pas facilement leur confiance

Le pays ayant traversé de nombreux épisodes de violence et de doutes la population colombienne continue de porter les stigmates de son histoire. C’est d’ailleurs un aspect de la société colombienne qui ne changera pas avant plusieurs décennies. Les colombiens ont beaucoup de mal à accorder leur confiance des inconnus.

Ecouter le podcast : ce qui bloque les entreprises colombiennes

Bien qu’ils soient tous pour la plupart très accueillants et sympathiques, les colombiens privilégieront souvent leur famille ou leur cercle de proches au moment de recruter un collaborateur ou sélectionner un associé. C’est ce qui permet d’expliquer une certaine léthargie de la part des entreprises familiales colombiennes qui ont des difficultés à se défendre face à l’arrivée de nouveaux acteurs économiques internationaux.

Malgré les accords de paix récemment signés pour mettre fin au conflit armé et le recul des activités de violence sur le territoire colombien la population a encore besoin de temps pour trouver son équilibre et baisser sa garde au moment de négocier ou collaborer avec de nouveaux venus.

N’hésite pas à commenter cet article et nous donner ton point de vue sur la société colombienne.

¡Hasta pronto!