Cet article est le premier d’une série qui j’espère sera longue. Sebastien, du blog Vivre en Colombie, et moi avons décidé de nous lancer le défi de publier un article en commun chaque vendredi.
Lui étant sur Cali et moi sur Barranquilla nous allons tenter de toucher un maximum de sujets possibles et de comparer nos points de vue pour que tu puisses te faire une idée plus globale des différentes réalités colombiennes.
Pour cet « épisode pilote » nous avons décidé de partager notre pire expérience dans le monde des affaires colombiens. Autant dire qu’il y a beaucoup de choses à écrire sur le sujet. Voici donc une anecdote personnelle qui, je l’espère, te permettra de ne pas tomber dans le même piège que moi si tu viens faire du commerce en Colombie.
L’article de Sebastien est disponible ici : ma plus grosse déception d’investisseur en Colombie.
Déception commerciale en Colombie
Le contrat colombien qui m’a fait perdre la foi
Quand j’ai pris la décision de créer ma première entreprise colombienne j’étais plein d’espoir. Mes associés devaient certainement l’être aussi. Notre concept n’avait rien de véritablement novateur pour un entrepreneur européen déjà initié aux marchés du tourisme, de l’hôtellerie et des coffrets cadeaux. Cependant il n’était toujours pas développé dans le Nord de la Colombie et nous avons décidé de tenter notre chance sur le créneau des boxs. Notre concept était très similaire à celui de SmartBox et de ses concurrents en Europe.
Nous n’avons eu aucun problème pour créer notre structure légale (une SAS) et je me suis très vite chargé du démarchage des alliés potentiels (une box cadeaux sans options étant compliquée à vendre à d’éventuels clients).
Après avoir peiné pour obtenir mes premiers accords de partenariats j’ai eu la chance de décrocher un contact en or. Mon obstination et mes longues heures de démarchages sous le soleil de plomb de Cartagena de Indias avaient payé : j’avais réussi à obtenir une promesse d’alliance de la part du gérant de l’une des chaines de restaurants les plus en vue de la Côte Caraïbe (Cartagena et Barranquilla) et de Bogotá (5 restaurants de luxe d’un seul coup pour notre coffret cadeau).
Le style d’établissements où tout bon colombien souhaite se prendre en photo pour ensuite la publier sur Instagram.
- Ecouter le podcast : les colombiens aiment les photos
Ma plus grande déception commerciale en Colombie
- Premier rendez-vous sur Cartagena : nous discutons des options de menus, des plats, des vins que nous pourrions intégrer à notre coffret cadeau. Mon contact semble plus qu’enthousiaste à l’idée de travailler avec nous.
- Second rendez-vous sur Cartagena : nous peaufinons l’offre et modifions quelques détails au contrat mis au point par mon équipe. La motivation semble toujours présente.
- Troisième entrevue sur Barranquilla : quelques modifications mineures sont apportées au contrat par l’avocate du restaurateur qui est tout aussi sympathique que le propriétaire des établissements.
- Quatrième rencontre sur Cartagena pour la signature du contrat : mon contact ne se présente pas à notre réunion et ne prend pas la peine de me prévenir (le trajet aller-retour est de 4h depuis mon domicile à Barranquilla).
Après cette dernière entrevue avortée mes différents interlocuteurs cesseront de répondre à mes appels et de prêter attentions à mes mails.
Dans le doute, je ferai appel à l’un de mes associés pour vérifier si mes contacts m’ignorent volontairement ou non. Il les appellera avec son propre téléphone et grande surprise « oui oui nous connaissons bien Doniphane, ce sera vraiment un grand plaisir de travailler avec vous et d’intégrer nos restaurants à votre offre ».
Après ce coup de fil ils ne répondront plus jamais aux appels de mon collègue.
Au final ce sont des heures de route, de préparation de contrats, de relecture, de correction, d’anticipation d’argumentation commerciale mais surtout de rêves entrepreneuriaux qui sont jetés aux oubliettes. Le coup est bas et il fait mal…
Même avec 4 années de recul la frustration et la déception refont un peu surface quand j’écris ces lignes. C’est certainement normal et tout entrepreneur passionné par son projet ressentirait la même chose.
Les enseignements que j’en ai tiré
Avec cette anecdote je reviens certainement sur un sujet abordé à maintes reprises dans mes articles de blog et autres podcasts : les colombiens ne savent pas dire non (et parfois ils vont trop loin dans leur courtoisie).
C’est quelque chose de commun ici en Colombie, dire oui à un contact commercial ou même un ami pour ne pas le froisser. Les colombiens sont habitués à détecter certaines nuances de langage ou de comportement que nous autres européens ne décelons pas forcément. Mes interlocuteurs ne se sont certainement jamais rendu compte du manque de respect que pouvait signifier pour moi cette perte de temps. En discuter avec eux aurait certainement même été peine perdue.
Quoi qu’il en soit nous pouvons tirer un enseignement de cette mésaventure commerciale : en Colombie les mots ne sont que des mots.
Par la suite j’ai pu trouver d’autres prestataires et notre coffret cadeau contenait plus de 60 options de menus au sein de 4 villes colombiennes différentes. C’est au fil des entretiens commerciaux et des déconvenues qui ponctuent l’aventure que l’on apprend à décrypter ce langage commercial propre aux colombiens.
Aujourd’hui j’ai adapté mon approche commerciale au contexte du pays ainsi qu’aux différents facteurs comportementaux et culturels que j’ai pu découvrir et décrypter à la dure sur le terrain.
C’est certainement aussi ce qui m’a poussé à lancer ce blog et tenter de donner un coup de pouce à celles et ceux qui veulent tenter leur chance ici. Si j’avais pu lire les même conseils il y a 7 ans j’aurais quelques millions de pesos colombiens en plus sur mon compte en banque.
D’ailleurs si tu as besoin d’aide je t’offre 45 minutes d’accompagnement.
Pas de regrets cependant, cela fait partie du processus d’apprentissage de l’entrepreneur et ce sont des anecdotes supplémentaires à partager !
Le point de vue de Sebastien (VivreEnColombie)
Déceler les véritables intentions des colombiens est difficile. La courtoise pousse les personnes à ne pas mettre un terme soudain à un échange, qu’il soit commercial ou personnel, ça serait interprété comme un rejet. À cela, on peut rajouter la fierté qui empêcherait d’avouer une incapacité à mener à bout le projet, même temporairement. Enfin, on peut aussi rajouter le manque d’envie de devoir justifier une décision défavorable.
Européens, nous sommes habitués à évaluer les travaux des autres et partager notre opinion dans le but d’une possible amélioration. Nous pouvons nous plaindre d’un plat qui n’est plus aussi bon qu’avant, ou signaler tel ou tel service qui laisse à désirer. De tels commentaires ne signifient pas forcément que nous arrêterons d’être clients. Les Colombiens n’ont pas cette habitude et ne la comprennent pas, la franchise peut être perçue comme une agression.
Je pense qu’il ne faut surtout pas le prendre personnellement et se lamenter de n’avoir pas su déceler que les échanges ne mèneraient nulle part. Le simple raison est que les colombiens eux-mêmes se font aussi avoir. Ils ont une meilleure perception des signaux mais ne parviennent pas toujours à les voir à temps non-plus.
Un excellent conseil est de tester la volonté et l’engagement du client, pour voir si la motivation est sérieuse. Au lieu de se rendre si fréquemment à Carthagène, certaines étapes auraient pu se faire par courrier électronique. De l’argent, du temps et la motivation auraient ainsi pu être économisés. Le fait que l’avocate se soit rendue à Barranquilla a peut-être fait baisser la garde (Note de Doniphane : les bureaux de l’avocate étaient sur Barranquilla).
Lire aussi :
Ecouter le podcast de Colombianito :
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¡Hasta Pronto!
Excellent article qui confirme mes sentiments que j’ai depuis que mon camping-car est bloqué dans un garage ici à Carthagène. J’aurais jamais du croire qu’ils seraient capables de faire un bon travail, malgré leurs propos rassurant.